A - Sa petite Histoire
1
- Préhistoire
Rien ne prouve
réellement que les femmes de la Préhistoire étaient déjà
friandes d’une bouche colorée. Malgré tout, on a retrouvé dans
la grotte de Cottes à Saint-Pierre-de-Maillé à Vienne, des flacons
tubulaires contenant de l’ocre rouge, le rouge étant symbole de
vitalité et de fertilité, datant sûrement du paléolithique car au
néolithique, il était plus commun d’employer la garance qui est
une herbe dont on utilise les racines.
Cependant, à
l’époque, il était plus d’usage de se peindre entièrement le
corps et le visage pour célébrer un évènement ou un changement
dans la vie quotidienne, pour se reconnaître entre membres d’une
même tribu et créer une sorte de hiérarchie au sein du groupe ou
encore pour se protéger du soleil et des insectes. Donc cette poudre
d’ocre présente dans des petits outils en forme de stylo remontant
à 500 000 ans avant notre ère n’est pas forcément à intégrer
d’emblée dans l’histoire du rouge à lèvres.
2
- Egypte Ancienne
Dans l’Egypte
Ancienne, le rouge à lèvres a plus une teinte rouge violacée et
est fabriqué à partir d'algues comme le Fucus mélangées à 0.01%
d'iode et à du brome dans une solution de mannitol. Cependant, on
dit que la reine Cléopâtre adorait arborer une bouche rouge,
synonyme de bonne santé et jeunesse. Pour obtenir cette couleur, on
mélangeait donc de la cire d’abeille avec un colorant rouge
constitué d’hématite, de minium et de cinabre. Ce mélange était
ensuite mâché par des esclaves pour obtenir la bonne consistance.
Classe n’est ce pas ?
Le maquillage a
toujours une place de choix dans la vie des Egyptiens, qu’il
s’agisse de l’Egypte antique ou du Nouvel Empire, période de
plus de 4000 ans. Les papyrus qui sont parvenus jusqu’à nous nous
ont également révélés que les égyptiens fabriquaient aussi des
onguents incolores pour réhydrater les lèvres.
A cette époque, la cosmétique dont le but était de préserver le naturel physique
faisait partie intégrante de la médecine. L’idéal de beauté ne
résidait plus dans une parure artificielle mais dans l’harmonie
créait par la nature entre les parties du corps. Les femmes qui
osaient se parer détruisaient cette harmonie.
Certaines femmes
défiaient quand même la société en exhibant des lèvres teintées
à l'aide de mûres écrasées, d'orcanette (une autre plante
tinctoriale) ou de cochenille (insectes parasites que l’on écrase
pour obtenir un pigment), les teintes rouges variant de rouge clair à
rouge violacé. Les Troyennes et la plus célèbre d’entre-elles,
Hélène, utilisaient comme rouge à lèvres de la terre cuite broyée
mélangée à des huiles.
4
- Rome Antique
Les femmes se
coloraient les joues et sans doute également les lèvres de rouge
pour faire ressortir la blancheur de leurs dents. Elles avaient le
choix entre les rouges minéraux, le vermillon qui étaient à base
de souffre et de mercure, le minium, les végétaux tels que le
‘’purpurissum’’ qui est un rouge tiré d’un coquillage que
l’on faisait bouillir avec le suc de rizon, le carthame, la
cochenille et l’orcanette mais aussi la terre rouge à poterie et à
brique.
C’est au Xème
siècle, que le célèbre chirurgien et chimiste Abu Al-Qasim, connu
en Europe sous le nom de Aboulcassis, inventa le bâton de rouge à
lèvre, mais cette invention ne se répandra pas plus que ça, du
moins pas en son nom. Le fard à lèvres affichait une couleur
intense due au colorant obtenu à partir de la racine de la garance
mais les femmes qui coloraient leur lèvres étaient considérées
comme des suppôts de Satan.
6
- XVIe siècle – XVIIIe siècle
Le rouge à lèvres
se diffuse surtout à partir du XVIe siècle. Il est alors aussi bien
utilisé par les hommes que par les femmes. C’est la reine
d’Angleterre, Elizabeth Ière qui popularise ce produit de
cosmétique. On utilisait alors de la cire d’abeille mélangée à
du sulfure mercurique rouge et du jus de raisin plus tard pour le
foncer. Malgré tout, c’était un produit aisé donc les femmes
n’ayant pas les moyens, se coloraient les lèvres à l’aide de
pommade à base de fruits comme le raisin, la figue ou la mûre.
En France, le
premier fard crème vit le jour sous le règne de Louis XIV. Il était
appelé ‘’rouge d’Espagne’’ car il était fait à base de
cochenille, l’Espagne détenant le monopole de la production à
cette époque. Ce fut alors au tour de la cour de France de se
réjouir de ce petit produit de beauté.
Les premiers rouges
à lèvres liquides ou gras apparurent sous Louis XVI et
Marie-Antoinette. Les hommes français en portaient alors. Les
différentes teintes de rouge avaient une signification : on
raconte que Madame de Pompadour identifiait le rang social des femmes
présentes aux bals de la cour de Versailles d’après la teinte de
leur fard à lèvre.
Retour en
Angleterre. Le pasteur et écrivain anglais Thomas Hall a affirmé
que le rouge à lèvres était ‘’l’œuvre du diable’’ et
que toute personne appliquant le produit tentait d’ensorceler les
hommes. En 1770, le Parlement britannique est même allé jusqu’à
adopter une loi interdisant le rouge à lèvres, affirmant que les
femmes reconnues coupables d’avoir séduit les hommes par un moyen
cosmétiques pourraient être jugées pour sorcellerie. Ce fameux
rouge à lèvres était alors à base de pommade de concombre, de
cire d’abeilles et de moelle de veau.
7
- XIXe siècle – XXe siècle
Ce siècle
romantique prôna la modération en matière de maquillage : la
bouche teintée d’un discret rose pâle est donc de mise. Au XIXe
siècle, seules les dames légères, comédiennes ou demi-mondaines,
usent de cosmétiques voyants. Jusqu’en 1870, le rouge à lèvres
se présentait sous forme liquide ou en pâte. Il était conditionné
dans de petites fioles en verre ou dans de petits pots de porcelaine.
Puis Guerlain arriva en 1870 pour révolutionner ces contenants.
Adieu le verre et la porcelaine, bonjour au premier rouge à lèvres
moderne, ‘’Ne m’oubliez pas’’. Il s’agissait d’un rouge
à lèvres en bâton de cire à bougie rose qui prend forme sous l’aspect d’un
stick sans capot.
C’est à partir
de ce jour que l’on parla de ‘’raisin’’ pour les lèvres.
Le rouge à lèvres se composait à ce moment de cires d’abeilles,
de beurres frais, d’écorces en poudre et de grains de raisins
noirs avant qu’on y ajoute des cires végétales, de l’huile de
ricin ou encore des pigments. Cependant, Guerlain ne fut pas le seul
à avoir cette idée de génie : en 1884, la maison Roger et
Gallet dépose le brevet pour le mécanisme du rouge à lèvres. Elle signe l’invention d’un conditionnement en papier carton, l’étui
glissette, puis d’un étui en métal blanc avec bouton pressoir.
Malgré tout,
Guerlain ne se laissa pas abattre et lança en 1920 un nouveau modèle
le "Rouge d'Enfer", qui s'ouvre et se ferme en tirant sur
un pompon. Précurseur permanent, l’établissement conçoit en
1936, le "Rouge Automatique", véritable bouleversement dans
le sphère des cosmétiques, présenté dans un étui
rechargeable en fer muni d’une fente et d’une ‘’poussette’’.
C’est à partir
de 1914 que les femmes vont vraiment commencer à se maquiller les
lèvres. Leur mari parti à la guerre, elles sont obligées de rester
seules et commencent à prendre, petit à petit, confiance en-elles,
à être indépendantes. D'un geste de défi social, elles se refont
une beauté en public. L’ère du rouge à lèvres peut commencer !
En 1915, un certain Maurice Lévy, outre-Atlantique, dépose un
brevet pour un bâton à système coulissant. Le rouge à lèvres
sera bientôt sur toutes les bouches du monde entier.
Le tube de rouge à
lèvres tel qu’on le connaît aujourd’hui apparaît en 1920 et
est vite démocratisé par des marques comme Estée Lauder et
Elizabeth Arden. C’est Elizabeth Arden qui fut la première à
proposer des produits de différentes couleurs dans les années 30.
Puis les marques proposèrent les unes après les autres leur propre
gamme. En 1969, la maison Christian Dior proposait 40 teintes
différentes.
En France,
l’actrice Sarah Bernhardt joua un rôle majeur dans la
popularisation du rouge à lèvres en osant porter du rouge en
public, acte provoquant à l’époque. Quant aux États-Unis,
l’image du rouge à lèvres fut renforcée par des chansons
populaires telles que These Foolish Things Remind Me Of You de
Holt Marvell en 1935, la première phrase de la chanson étant ‘’A
cigarette that bears a lipstick’s traces’’. Ainsi que la
chanson Lipstick on you collar en 1959 écrite par Edna Lewis
et George Goering.
L’histoire du
rouge à lèvres moderne se poursuivit ensuite avec l’élaboration
en 1927 du ‘’Rouge Baiser’’, le premier rouge à lèvres
longue tenue, par le chimiste Paul Baudecroux car même si
l’apparence ou les couleurs évoluaient, le défaut qui perdurait
était la courte tenue du rouge à lèvres. Les Etats-Unis, bien en
retard sur le progrès de la France, ne développa leur premier rouge à
lèvres longue tenue qu'en 1950. C’est le chimiste américain Hazel
Bishop qui trouva la solution. Fini les traces indélébiles laissées sur les verres, les cigarettes ou même sur les cols de chemises des amants.
Les innovations
continuèrent durant les années 30 avec la création du brillant à
lèvres, le gloss, par l’expert beauté Max Factor. C’était un
produit souple, qui se présentait sous la forme d’une pâte à la
faible quantité de cire. Son but était de sublimer les actrices
sous les feux des projecteurs, de rendre leur lèvres plus pulpeuses
et sensuelles. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le rouge à lèvres
devient rare et est même vendu au marché noir car certains des
ingrédients qui le composent sont indisponibles.
Les Pin-Up des
années 50-60 n’ont fait que renforcer la place du rouge à lèvres
dans la vie des femmes. Qui n’a jamais entendu parler de Marylin et
de son resplendissant sourire rouge carmin brillant de mille feux ?
À partir de 1970
le rouge à lèvres connu de nombreuses et folles déclinaisons. La
couleur classique rouge fut ainsi dépassée par le bleu, le vert ou
encore l’argenté. Le noir connut également un franc succès dans
les années 80, comme il y a plus de 4000 ans en Égypte déjà. Même
les hommes furent séduits par ce petit tube coloré : les
rockeurs Mick Jagger et Kurt Cobain y ont succombé par exemple. A
partir de ce moment là, ce cosmétique n’a fait qu’évoluer.
8
- XXIe siècle
Les tendances se
succèdent au fil des années : les gloss claires et nacrées à
la fin des années 90, les couleurs dites neon comme le orange ou le
fuschia devinrent à la mode en 2012 avant que les nuances dites
nudes prennent leur place entre 2014 et 2016. Ce genre de teintes est
encore très populaire de nos jours et on a vu émerger le contraste
de centaines de bouches parées de couleurs sombres à la limite du
noir, comme le bordeaux ou le prune, depuis quelques années. Cette
opposition de teintes claires, proche de la couleur naturelle de nos
lèvres et de notre peau et de teintes très foncées montre que
désormais, la femme se sent libre de porter ce qui lui plaît. Au
placard le classique rouge qui fait de nos jours trop madame et qui
est bien trop conventionnel.
De nos jours, le
rouge à lèvres est devenu un accessoire de mode incontournable et
accessible à tous. Il existe désormais plusieurs types de rouges à
lèvres : les gras, semis-gras, brillants à lèvres et les mats. En
2012, la marque Yves Saint Laurent lança son vernis à lèvres, une
combinaison entre le brillant à lèvres et le mat marquant le début
du rouge à lèvres hybride. La maison Guerlain à récemment mis en
évidence son patrimoine en renouvelant le ‘’Rouge Automatique’’
d’une gamme considérable de nuances contemporaines. En 2016, la
marque Urban Decay est la première à lancer une gamme de 100 rouge
à lèvres d’un seul coup.
A la fin de l’année
2015, la benjamine des célèbres sœurs Kardashian, Kylie Jenner
lance la folie des rouge à lèvres liquides en commercialisant ses
propres produits. Ces rouge à lèvres sont contenus dans de longs
tubes et s’appliquent avec un applicateur gloss. C’est un vrai
révolution : un rouge à lèvres sous forme liquide qui en
séchant devient mat et totalement sans-transfert. Désormais chaque
marque possède sa gamme.
L’avenir de ce
cosmétique s’oriente vers le bio, avec comme avantage considérable
la composition : sans conservateurs, sans parfum ni colorants, sans
parabens, sans produits d’origine animale et sans ingrédients
chimiques. Entre 800 et 900 millions de rouges à lèvres se vendent
chaque année dans le monde, on peut donc estimer que nous ne sommes
pas au bout de nos surprises concernant ce classique de la
cosmétique.
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